Vous le savez maintenant, le Scriptorium ludique fourre son nez un peu partout à la recherche de new's ou de nouveaux talents à mettre en lumière.
Et bien il y a quelques semaines j'ai découvert qu'un joueur, mais aussi dessinateur de grand talent vivait pas loin de mon antre.
C'est donc sans attendre que j'ai pris contact avec lui, pour, le temps d'une interview, découvrir qui se cachait sous le mystérieux pseudo de Zhy !
SL : Comme toute bonne interview, on va débuter par ta genèse, ce qui a fait de toi un rôliste et comment tu as grandi avec ?
Zhy : Je suis arrivé au jeu de rôle d'une manière je dirais quasi "naturelle". Je suis né la même année que D&D je crois. Tout petit je disais à ma mère que ce que je voulais faire c'était raconter des histoires. Les contes et légendes c'était mon truc. J'étais et suis toujours tourné vers l'imaginaire, je bataillais des nuages à coup de bâton et dedans je voyais des dragons. Un gamin rêveur quoi.
Côté dessin animé ce qui me branchait c'était déjà la fantasy et la sf , Maitor, Musclor, Cobra...
À l'approche de l'adolescence, c'est la première rencontre : les Livres dont vous êtes le Héros. Ça a commencé par une affiche qui m'a laissé une impression indélébile et qui évoque toujours pour moi le maître de jeu dans sa splendeur : un genre de Gandalf/Odin. Brandissant un sceptre/épée improbable sur fond d'orage.
C'était pour un concours, un genre de jeu de piste enquête organisé par la bibli.
J'étais introverti, pas beaucoup de camarades, je sortais peu, sauf pour trouver des livres...et là la récompense c'était des livres... dont je pourrais être le héros !!
Dans le tas il y avait un scénar' de l'« L'oeil Noir » alors j'ai cherché à me procurer le reste. Dés le départ je suis devenu meneur de jeu, trop curieux pour arrêter ma lecture, je voulais tout savoir des secrets que renfermaient ces manuels, être celui qui dirait "choisissez et périssez", la voix deriére le paravent.
Après il y a eu Warhammer, AD&D, ADC, Stormbringer,Kult, INS/MV, Bloodlust, Ambre... j'en passe (ma ludothèque est assez garnie), j'étais en quête du système ultime, de l'univers le plus excitant, irrémédiablement passionné. Ajoute à ça des expériences fortes et boulimiques en littérature fantastique (Howard, Lovecraft, Lieber,Vance, Brussolo, Barker, Moorcock...) se sont recoupée avec les sorties ludiques de l'époque, on peut dire que c'est le JDR qui m'a trouvé, pas l'inverse.
Je suis donc sorti de ma solitude et de mon isolement pour faire jouer les autres les faire entrer dans mes rêves éveillés et fiévreux. Devenu un de ces jeunes "initiés" qui « convertissait » ses camarades de collège, lycée puis Fac dans les années 80 puis 90.J'ai progressivement découvert que j'étais effectivement un conteur. Et rien ne me satisfait autant que d'offrir et partager ce genre de moment, l'aventure est d'ailleurs pour moi totale dans l'impro avec des systèmes "light" comme on en voit heureusement de plus en plus.
SL : Et qu'est-ce qui t'a fait venir à ta vocation d' illustrateur ?
Zhy : Pour le dessin, c'est pareil c'est vital, c'est en moi, un besoin - un jour un ami qui a un sacré coup de crayon m'a dit : "la bd c'est comme la branlette : on sait pas pourquoi" - donc le dessin c'était obligé aussi, j'ai juste pas arrêté à 4 ans comme le font la plupart sous le poids d 'inhibitions . Parce que je suis une tête de mule et que quand quelque chose m'échappe ou me résiste il faut que je le cerne, c'est reptilien.
Je vois des formes figuratives là où d'autres passent à côté, dans les taches , le papier peint tout ça.
À l'armée au test visuel, ils ont halluciné parce qu’en plus de la forme et de la contre forme que ne distingue pas la plupart des gens je leur ai montré d'autres images cachées dans le visuel du test, pas prévue par celui-ci.
Bref le dessin c'est un regard, et faut sacrément le bosser pour arriver à quelque chose contrairement à ce qu'on peut en penser. C'est vite devenu un combat pour exister pour ma pomme . Exactement comme la pratique du JDR, mes moyens d'expressions pour bousculer les murs étriqués d'une réalité ou plutôt d'une banalité insipide.
J'avais envie de voir autre chose que ce que ce monde me proposait, alors je couvrais mes cahiers, mes tables d'école, de monstres, guerriers du chaos, pin up...et des crânes aussi, beaucoup de crânes (quand je ne sais pas quoi faire, je dessine un crâne, « vanitas vanitatum ... »). Donc des crânes, des nibards, des haches, des tentacules, tout ce qu'on ne veut pas montrer aux mômes , la forêt des symboles derrière le voile de la norme... De l'épisme , je suis en quête de ça, je crois.
Premier choc visuel les couv' des albums de Iron Maiden,et l'affiche du film Conan par Frazetta, puis Giger, Bisley, Brom, Terrada... en BD le grand pouvoir du Chninkel, Druillet, Caza, et dernièrement Powell le seul que je suive encore assidument avec Bisley.
SL : D'ailleurs, en parlant de Frazetta qui reste pour bon nombre de rôlistes une référence iconographique, quelles sont les tiennes ? Un illustrateur, un peintre...
D'ailleurs, tu es plutôt contemporain ou les classiques : Delatour, Le Caravage, Brugel et autre kilmt te font aussi vibrer ?
Zhy : Frazetta c'est La référence ! Incontournable. Celui qui a défriché le terrain et écrit le code, c'est le seul pour encore longtemps. Après lui y a que Bisley et Brom qui me parlent en terme d'intensité et d'innovation du moins chez les peintres. On voudrait tous faire comme eux, je crois, dans le genre. C'est spontané, sauvage et sensuel ça frappe « entre les deux yeux » comme disait le maître. Globalement j'ai une culture très anglo-saxone et un peu niponne contemporaine, très « metal » et ça repose aussi sur les classiques.
Alors oui, les Klimt et Caravage carrément ! Mais aussi Bosch, les préraphaelites... ceci dit je me sens très impressionné par ce genre de pointures là et la peinture je m'y essaye que depuis peu.
Je complexe déjà face à moins grand donc j'évite de trop regarder les étoiles pour éviter le vertige. Histoire de ne pas me sentir trop minable. Je préfère donc me cantonner à des trucs moins "sérieux" , et puis le dessin c'est déjà un labyrinthe en soi, quand j'y ajoute la couleur ça peut devenir vraiment infini .
En art pictural comme en cinoche, je suis un adepte du mélange des genres. Par exemple, je kiffe autant Lynch, Von Trier , Kurosawa que Romero, Meyer, Rodriguez, Snyder et Peter Jackson (à ses tout début avant que tout le monde le trouve formidable). Les Vixens, Baby Cart, Machete, wu xia pian, les ovnis gore, la blaxploitation ça m'éclate . Il n'y a pas de sous genre à mes yeux d'autodidacte, et je pense pas être original en disant ça, le proselytisme c'est juste un truc de snob . Ce qui est underground un jour peut devenir académique le lendemain. J'ai appris l'anglais comme ça par exemple, en mâtant des films en VO, traduisant du JDR des paroles de Metal, en lisant indifférement Tolkien, Shakespear et Pratchett dans le texte, sans à priori ni hiérarchie de valeur.
Et puis y a la musique donc, hyper importante pour moi.
Sans elle je ne peux quasiment pas dessiner. Là encore , comme tout le monde, il me faut des curiosités pour stimuler ma créativité. J'écoute essentiellement du Stoner Doom/Sludge pour me concentrer, pour l'inspiration et la pêche que ça me procure (tout ce qui est lourd et psyché , qui descend de Black Sabbath) mais aussi la musique sacrée, baroque, du Dead Can Dance, Portishead, Cypress hill, du psycho, du dub... La musique m'évoque des images nouvelles et m'aide à suivre une idée personnelle, à ne pas trop tomber dans le pastiche , beaucoup de mes travaux sont nés comme si il s'agissait de faire une pochette d'un des albums qui me font « triper »
SL : Bon maintenant que tu nous as fait entrevoir ton univers et tes références quels sont tes projets dans l'avenir ?
J'ai eu vent que tu faisais partie de la team Boite à heuh pour la confection des cartes d'inspiration pour On Mighty Thews tu peux nous en dire plus ?
Zhy : C'est vraiment un projet excitant pour mon crayon. Il en frétille !
D'abord parce que j'adore OMT.
Ce jeu est une belle découverte qui m'a permis de passer de bons moments avec mes jeunes joueurs et de leur faire partager ma vision d'un genre que j'ai dans la peau la Sword & Sorcery. Et ça sans préparation c'est vraiment top !!!
SL : Et tu comptes produire combien de cartes ?
Zhy : Alors moi j'aurais aimé les faire toutes ! mais monsieur Heuhh il m'a dit: « t'es pas tout seul ». Donc, pour l'instant, environ 5 mais j'espère en grappiller en plus, et si j'ai de la chance y aura des grippes cet été....
SL : Ok donc la Boîte à Heuh un beau premier projet, mais la suite ?
D'autres éditeurs en vu, des prospections ou même des envies de travailler avec certains en particulier ?
Zhy : J'aimerais bien bosser aussi avec Pulp Fever dont j'attends une réponse en ce moment.
Ces boîtes là ont à mes yeux les lignes éditoriales les plus stimulantes et originales en matière de JDR actuellement (tendance narrativiste d'une part et univers Pulp décomplexé de l'autre ). Mais je suis pas sectaire et y a plein d'autres éditeurs dynamiques et attractifs . D'autant qu'il me faut des sous pour acheter leurs jeux...et des d6, vu que c'est la tendance,
J'ai pas mal de projets BD dans mes cartons depuis 10 ans , j'envisage de présenter l'un d'eux sur Ulule ou My Major Company avant fin 2013. Y 'aura des nichons, des gros flingues , des gros mots et des streums.
Après des années d'errance, j'ai trouvé un scénariste bien rock 'n Roll qui donne vie à mes perso et univers sur le ton défoulatoire qui me convient...un ancien pote de lycée, que dis- je un frère d'âme !
Je bosse aussi comme concept et game designer sur un projet de jeu en ligne en partenariat avec un développeur .
Là encore, il s'agit de mes backgrounds, mes mondes, mes personnages plus ou moins en rapport avec certains de mes projets BD, ce qui est toujours plus motivant que de la commande d'exécution. J'écris des nouvelles, je travaille sur un jeu de cartes dont j'ai eu l'idée il y a un an. On me demande des modèles pour tatouages et textile...plus de projets et d'idées que de temps pour tout réaliser, d'ailleurs si un coloriste passe par là...
Mon activité en temps que freelance débute seulement, avant j'élevais mes enfants, bossais en imprimerie et mon crayon me manquait terriblement. Donc là je suis encore ouvert aux porteurs de projets et abordable (quoi que mes enfants et ma compagne me voient déjà de moins en moins de face)
Pour l'instant je donne la priorité aux travaux sérieux qui me permettent de positionner mon style.
Quelques expériences m'ont appris qu'il n'est bon pour personne d'œuvrer sans un minimum de passion.
Quand ça m'emballe pas, je ne donne pas le meilleur et ça me fait souffrir. L'important c'est de pouvoir se mettre pleinement et sincèrement au service d'un projet dans le respect de ceux qui l'attendent, sinon le lecteur le sent. Si on s'éclate pas, au final c'est moche.
Graphiquement le niveau d'exigence actuel est très haut, les nouvelles technologies ont rendu les gens féroces et impatients, on verra si j'arriverais à glisser mon crayon de bois et ma plume là-dedans...
Et bien voilà déjà pas mal de beaux projets en cours ou avenir.
À n'en pas douter, Zhy est un auteur entier aux facettes et compétences multiples et dont il faudra à l'avenir suivre l'évolution.
Messieurs les auteurs et éditeurs qui passez par là, n'hésitez pas à prendre contact avec l'artiste qui, à n'en pas douter, saura mettre un peu de ses tripes dans vos futurs projets.
Zone info :
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• Blog de Zhy (Zhyron'Sketch Boo)
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